Le père Jack est bizarre. Prêtre missionnaire fraîchement revenu d’Afrique, je crois qu’une bonne partie de lui y est restée. Il partage la même nostalgie que les autres personnages de la pièce, mais c’est celle d’un ailleurs où il a vécu, qu’il a connu, qu’il a aimé. Alors le retour dans le petit monde étriqué de Ballybeg est bien difficile, lui qui, il y a encore quelques mois, célébrait la messe à coup de poulets sacrifiés sur la terre battue d’une place de village en Ouganda. L’obsession de ses sœurs : pourra-t-il jamais redire la messe ? Encore faudrait-il qu’il puisse dire tout court, retrouver les mots et leurs sensations, énoncer ce qui autrefois paraissait si naturel.
Le père Jack est un personnage terriblement attachant et en même temps drôlement effrayant : c’est avec ces deux images qu’il faut jouer en permanence. D’un côté celle du vieux prêtre hagard un peu perdu qui déboule dans cette maison de femmes, de l’autre celle du missionnaire dont les rites sanglants et les cérémonies animistes ébranlent les croyances catholiques de l’époque. Deux visages, deux facettes qui auraient pu me faire peur (moi ? jouer un curé ?) ! Mais c’était sans compter le plaisir de donner la réplique à mes camarades et le plaisir de me retrouver une nouvelle fois sur scène. Et puis…je l’aurai eu mon rôle de vieillard !